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I. Rappel des faits
Le site internet www.viedemerde.fr a été mis en ligne le 10 janvier 2008 et est édité par la société Bêta et Compagnie.
Ce site publie des anecdotes de divers internautes commençant par « Aujourd’hui » et se terminant par « VDM », initiales de Vie De Merde.
Les anecdotes publiées sur le site viedemerde.fr ont fait l’objet de nombreuses publications, sous forme de livres, dont notamment celui intitulé « Vie de merde » et de BD éditées en France.
L’éditeur a constaté que la société Australie, avait diffusé sur des chaînes de télévision françaises, pour le compte de l’annonceur Bahlsen, deux publicités en faveur des biscuits Pick Up présentant des ressemblances avec les œuvres diffusées sur le site www.viedemerde.fr.
La première publicité reprendrait une anecdote publiée le 30 avril 2008 sur le site www.viedemerde.fr et dans l’ouvrage « Vie de merde ».
Le programme publicitaire litigieux intitulé « Stage » met en scène un jeune homme se tenant face caméra et racontant une expérience qui lui serait arrivée la veille : « Hier j’étais malade, mon patron m’a appelé pour avoir le mot de passe de ma messagerie. Mon mot de passe c’est… « stage tout pourri » ».
Antérieurement, sur le site www.viedemerde.fr et dans l’ouvrage « Vie de merde », avait été publiée l’anecdote suivante : « Aujourd’hui, je suis malade. Mon boss m’appelle pour une urgence au boulot et me demande le mot de passe de mon ordi pour récupérer un e-mail important. Pas le choix, je le lui donne. Mon mot de passe est « job2merde ». VDM ».
La société Bêta et Compagnie et ses créateurs ont assigné la société Australie aux fins de voir interdire la diffusion des publicités en cause et de voir réparer leur préjudice.
II. Décision : Le site internet www.viedemerde.fr n’est pas une oeuvre collective mais peut être protégé sur le terrain du parasitisme
A. Le contenu du site viedemerde.fr n’est pas une oeuvre collective
Le Tribunal de grande instance a commencé par rappeler les termes de l’article L113-2 du code de la propriété intellectuelle, définissant l’oeuvre de collaboration :
“Est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée l’œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette émission. Est dite collective l’œuvre créée à l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé” (art. L.113-2 du CPI).
Le jugement constate que si la condition relative au fait que l’œuvre est publiée, divulguée et éditée à l’initiative d’une personne et sous sa direction est remplie, celle relative au nom n’est pas remplie puisque le site s’intitule VDM, mais surtout celle relative au fait que les contributions personnelles se fondent dans l’ensemble n’est pas davantage remplie.
En effet, le fait que chaque internaute indique son nom, son pseudo ou “anonyme”, individualise chaque auteur. En conséquence, les différentes contributions ne se confondent donc pas dans l’ensemble et le fait que chaque contribution ait une structure précise et similaire du fait du respect des instructions du format ne peut à lui seul suffire comme instructions données aux auteurs.
Le Tribunal rappelle en outre que seul le contributeur peut opposer le fait que chaque auteur n’ait pas cédé régulièrement ses droits sur sa contribution et non par un tiers. Cet argument ne peut donc être opposé par la société Australie. Le Tribunal en tire toutefois la conséquence que c’est la manifestation que les internautes ne considèrent pas avoir de droit d’auteur sur leur apport.
Par ailleurs, sans surprise, les Juges font une juste application du droit en rappelant que le fait que des parties choisissent de soumettre leur contrat au droit d’auteur n’a pas pour effet de donner la qualité d’auteur à l’un des co-contractants, cette qualification relevant toujours en dernier lieu au tribunal qui appréciera l’existence d’une œuvre.
Le Tribunal de grande instance a, en conséquence, rejeté la qualification d’œuvre collective du site viedemerde.fr .
B. Les anecdotes publiées sur le site internet “vdm” ne sont pas protégées par le droit d’auteur
Les demandeurs font valoir que la publicité intitulée « Stage », qui reprend de façon quasi identique l’anecdote publiée sur le site www.viedemerde.fr le 30 avril 2008, est constitutive d’actes de contrefaçon à l’égard de la société Bêta et Compagnie. La société Australie répond d’une part que la société Bêta et Compagnie n’établit pas être cessionnaire des droits d’auteur et que cette anecdote est totalement dénuée d’originalité de sorte que les prétentions des demandeurs sont irrecevables.
Le site viedemerde.fr n’ayant pas été qualifié d’œuvre collective, la société éditrice n’est en conséquence pas titulaire des droits patrimoniaux sur cette anecdote. Pour que la titularité des droits soit établie, l’éditeur aurait dû verser un contrat de cession des droits d’auteur du titulaire de l’anecdote, ce en quoi il échoue.
Pour qu’une oeuvre soit protégée au titre du droit d’auteur, ladite oeuvre doit être originale.
Or, l’anecdote litigieuse publiée sur le site viedemerde.fr : « Aujourd’hui, je suis malade. Mon boss m’appelle pour une urgence au boulot et me demande le mot de passe de mon ordi pour récupérer un e-mail important. Pas le choix, je le lui donne. Mon mot de passe est « job2merde ». VDM » n’est pas originale dans sa forme, la concision du texte et la structure du récit ne révélant rien de la personnalité de l’auteur, seul l’événement relaté ayant un intérêt, et l’idée qu’elle véhicule peut librement être reprise sans commettre d’atteinte au droit d’auteur de celui qui l’a publié.
Enfin, concernant le droit moral, seule la personne physique qui a créé le texte peut en bénéficier. L’éditeur a dès lots été nécessairement débouté de ses demandes en contrefaçon.
C. Sur le parasitisme
La société éditrice fait valoir que l’anecdote relative au “jobdemerde” constitue une valeur économique qui a été parasitée. Elle indique que de la même façon, la notoriété acquise par ce type d’histoire sous ce format est le fruit de ses efforts, notoriété notamment reconnue par la société de production qui a acquis le format. Elle forme donc une demande à titre subsidiaire pour l’anecdote “stagedemerde” et à titre principal pour l’anecdote relative au sms de rupture.
En droit, la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée.
Le parasitisme est constitué lorsqu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le site viedemerde.fr a connu un certain succès du fait de la publication des anecdotes et de la compilation qu’il en est faite, qu’en raison de ce succès, le concept a été vendu à une chaîne de production pour réaliser une mini série qui traite les anecdotes comme l’a fait l’agence de publicité dans ses films publicitaires.
Il est ainsi démontré que le format cédé à la société JMD Productions correspond à une valeur économique qui a un prix sur le marché et que la société Australie a copié cette valeur car elle était à la mode et avait donc toute chance d’attirer un public jeune friand du blog et de la série sans payer la moindre somme à l’auteur économique qui l’a développée.
La faute est donc constituée et la société Australie a été condamnée à payer à la société Bêta et Compagnie la somme de 5000 euros en réparation du préjudice subi.
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